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Tonia Nneji s’approprie le format européen des portraits réservés, dès le XVIIᵉ siècle, aux riches et aux puissants. Ses figures à la peau noire, cadrées de façon serrée et dépourvues de visage, se détachent puissamment sur un arrière-plan faussement neutre. La composition renforce leur implication sociale, révélant la charge politique de leur représentation.
Les détails des robes contemporaines, avec leurs plis et cassures, évoquent les motifs de l’église triomphante et révèlent l’ordre colonial sous-jacent. À y regarder de plus près, les dégradés de tons à l’arrière-plan laissent apparaître un décor religieux peint ou sculpté. Cette iconographie, au Nigéria, prend un sens particulier : les églises, puissantes communautés religieuses et herboristeries restent des alternatives à un système de santé défaillant.
Au premier plan, sur un sac blanc, les amateurs de mode reconnaîtront un nom partiellement coupé par le cadrage : celui du numéro un mondial de la distribution des grandes marques de sport. Ce sac guide l’œil du spectateur vers l’arrière-plan, selon une stratégie visuelle héritée des maîtres anciens. Les deux espaces relient symboliquement ciel et terre, sacré et profane, rédemption et tentation.
Ce sac porte la marque Foot Locker, entreprise qui s’est récemment engagée à soutenir les communautés noires contre la discrimination raciale en Amérique. Ici, le signe commercial devient signifiant politique.
À la jonction de cultures plurielles, Tonia Nneji détourne les codes de la peinture européenne tout en érigeant le textile en véritable outil culturel. Ces textiles, emblématiques de sa culture igbo, sont porteurs d’une inventivité graphique infinie et transmis de génération en génération. Ils racontent la longue histoire coloniale et familiale. Si l’artiste restitue la puissance expressive des tissus ankara ayant appartenu à sa mère, c’est parce qu’ils ont disparu à jamais, vendus pour payer ses soins médicaux. Cette perte, qui cristallise toute sa conscience critique, affleure dans les cassures et les plis des étoffes – un véritable défi pictural – et convoque la mémoire d’un vécu intime, partagé par nombre de femmes nigérianes.
La culture de la honte imposée par les communautés religieuses, le contrôle du corps des femmes, la pudeur forcée comme condition d’accès aux espaces religieux : autant de réalités que ses œuvres interrogent. Ainsi, l’expérience intime devient revendication collective.
Les figures qui habitent les toiles de Tonia Nneji, qu’elles soient isolées, hiératiques, ou groupées, faisant virevolter leurs étoffes, suscitent une palette d’émotions contradictoires, habituellement refoulées. Drapé autour des corps, des murs et des meubles, le textile offre à l’artiste un sentiment de protection et une force de résilience
Tonia Nneji appropriates the European portrait format, reserved since the 17th century for the wealthy and powerful. Her Black-skinned figures, tightly framed and faceless, stand out powerfully against a deceptively neutral background. This contrast lends her subjects a striking prominence, thrusting them toward the viewer. The composition reinforces their social engagement, revealing the political weight of their representation.
The details of contemporary dresses, with their folds and creases, evoke the motifs of the triumphant church while exposing the underlying colonial order. Upon closer inspection, the gradations of tone in the background reveal a painted or sculpted religious setting. In Nigeria, this iconography carries particular significance: churches, powerful religious communities, and herbalist practices remain alternatives to a failing healthcare system.
In the foreground, on a white bag, fashion enthusiasts will recognize a partially cropped name: that of the world’s leading distributor of major sportswear brands. This bag guides the viewer’s eye toward the background, employing a visual strategy inherited from the old masters. The two spaces symbolically connect heaven and earth, sacred and profane, redemption and temptation.
This bag bears the Foot Locker logo, a company that has recently committed to supporting Black communities against racial discrimination in America. Here, a commercial symbol becomes a politically charged signifier.
At the intersection of plural cultures, Tonia Nneji subverts the codes of European painting while elevating textiles into a true cultural tool. These textiles, emblematic of her Igbo heritage, carry an infinite graphic inventiveness and are passed down through generations. They tell the long history of colonial and familial legacies. If the artist captures the expressive power of the ankara fabrics once owned by her mother, it is because they are gone forever, sold to pay for her medical care. This loss, which crystallizes her critical consciousness, surfaces in the creases and folds of the fabrics—a true pictorial challenge—and evokes the memory of an intimate experience shared by many Nigerian women.
The culture of shame imposed by religious communities, the control of women’s bodies, and enforced modesty as a condition for accessing religious spaces: these are the realities her works interrogate. Thus, personal experience becomes a collective claim.
The figures inhabiting Tonia Nneji’s canvases—whether isolated, hieratic, or grouped, swirling in their fabrics—evoke a range of contradictory emotions, typically suppressed. Draped around bodies, walls, and furniture, the textile offers the artist a sense of protection and a force of resilience
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