Œuvrer à renforcer la visibilité des artistes femmes est l’objectif premier de l’association AWARE fondée en 2014.
Vera Pagava – galerie Chauvy (Paris) – stand E3
Native de Géorgie, Vera Pagava (1907-1988) se forme auprès de Roger Bissière durant les années 1930 à l’académie Ranson, où elle initie des amitiés durables et fructueuses avec des représentant·e·s reconnu·e·s de la Seconde École de Paris tels Étienne-Martin, Helena Vieira da Silva, Harpad Szenès ou Jean Le Moal. Elle développe d’abord un langage post-cubiste plan et schématisé, d’une facture lisse, articulant ses sujets dans une atmosphère onirique froide. Par leur économie formelle, ses compositions – natures mortes, paysages naturels ou citadins et même peintures d’histoire – invitent vers un au-delà du réel.
Cette dimension métaphysique la conduit à abandonner la figuration dans les années 1960. Dans ce corpus abstrait, Vera Pagava poursuit une même quête : « l’essentiel est pour moi d’exprimer la lumière et l’espace. » Sa lumière est sourde et semble naître des profondeurs de la toile, sur laquelle évoluent des formes vaporeuses, comme en suspension. Des formes que les critiques ont souvent qualifiées de silencieuses et invitant au recueillement et à la spiritualité.
Marta Pan – galerie Chauvy (Paris) – stand E3
Arrivée à Paris depuis sa Hongrie natale en 1947, Marta Pan (1923-2008) est profondément ébranlée par la découverte du Nouveau-né (1915) de Constantin Brancusi qu’elle voit dans l’atelier de l’impasse Ronsin l’année suivante. C’est une leçon de formes, de « fini », mais ce qui la frappe encore davantage c’est le mouvement de balancier que le sculpteur impulse à l’œuvre et qui lui fait dire « Depuis lors, j’aime les sculptures qui bougent naturellement ».
L’œuvre sculpté de Marta Pan met en jeu l’espace, l’équilibre, le mouvement naturel, car, d’après elle « le matériau de base de la sculpture, ce n’est ni la pierre, ni le métal, ni le béton. C’est l’énergie, son énergie. » La série des Cylindres, aux côtés des Cônes, des Sphères ou des Lentilles, initiée d’abord en Plexiglas à la fin des années 1960, sont selon ses mots « des espaces à [s]oi » de petit format qui tranchent avec la monumentalité et l’ingénierie des grandes œuvres publiques, ronde-bosses, fontaines, œuvres flottantes et jardins, dont les commandes affluent à partir de la même décennie et marquent l’histoire de la sculpture publique contemporaine en France et à l’international.
Hanna Alkema pour AWARE (Archives of Women Artists Research & Exhibitions)
Véra Pagava originaire de l’ancien Empire russe et Marta Pan, venant d’Europe de l’Est établies à Paris, ont défendu l’art abstrait. Véra Pagava, née en 1907 en Géorgie pratique une figuration épurée, où dominent les constructions cubisantes puis s’oriente vers l’abstraction à partir de 1960. Marta Pan, née en 1923 à Budapest, pratique la sculpture abstraite en relation avec le paysage et l’architecture. Elle réalise de nombreuses œuvres en dialogue avec les bâtiments construits par son mari, l’architecte André Wogensky, disciple de Le Corbusier. Une décennie sépare Véra Pagava et Marta Pan, l’une est peintre, l’autre est sculpteur, mais leurs œuvres ont en commun, un même goût pour l’épure, Présence d’une géométrie souple où les courbes alternent avec les droites, les cercles et les ovales avec les triangles, les rectangles ou les carrés. Elles font la part belle aux formes ovoïdes et circulaires qui nous entraînent dans l’intimité de la matière, dans un recentrement à partir duquel explorer l’infini.
Les recherches formelles de ces deux artistes sont toujours au service d’une « poétique de l’espace », pour reprendre le titre de l’ouvrage de Bachelard. Un espace vibrant, de méditation, de circulation et d’équilibre. Véra Pagava est le peintre de l’air, avec ses Corps célestes, ses Météorites entre ciel et terre, ses formes en suspension, semblant en apesanteur, comme retenues dans des équilibres fragiles avec une illusion de mouvement, sa luminosité voilée, filtrée. Marta Pan est le sculpteur de l’eau, avec ses Sculptures flottantes, en plusieurs éléments, mais aussi de l’air qu’elle fait entrer, circuler, dans des formes évidées, ouvertes. Ces œuvres qui font entendre le silence et sa voix.
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